Instants donnés : une rétrospective inédite pour redécouvrir Doisneau et son Paris multifacette
Pendant cinquante ans, il a fait de Paris et de sa banlieue son terrain de jeu, de ses habitants ses modèles, et de la vie quotidienne une poésie. Près de vingt ans après la dernière grande rétrospective parisienne dédiée à son œuvre, Robert Doisneau revient dans toute sa complexité au Musée Maillol. Du 17 avril […]

Pendant cinquante ans, il a fait de Paris et de sa banlieue son terrain de jeu, de ses habitants ses modèles, et de la vie quotidienne une poésie. Près de vingt ans après la dernière grande rétrospective parisienne dédiée à son œuvre, Robert Doisneau revient dans toute sa complexité au Musée Maillol. Du 17 avril au 12 octobre, l’exposition “Instants donnés” rassemble plus de 350 clichés soigneusement sélectionnés parmi les 450 000 que compte son œuvre. Une plongée thématique dans l’univers du photographe, un univers entre tendresse et dureté, et surtout bien plus vaste qu’une poignée d’images célèbres.
Doisneau au-delà du Baiser de l’Hôtel de Ville
Son cliché Le baiser de l’Hôtel de Ville – sur lequel s’achève l’exposition- est devenu célébrissime : deux jeunes amoureux, qui s’embrassent au milieu du tumulte parisien. Mais derrière cette photo iconique, se cache un photographe à l’œuvre foisonnante et multiple. À travers nombre de clichés rarement exposés, l’exposition Instants donnés dévoile la richesse de cet ensemble, et nous présente un photographe au regard profondément humain, qui a su saisir le quotidien sous toutes ses formes, toujours avec une poésie bien particulière. Bien sûr, on retrouve le regard amusé du photographe sur l’enfance -son sujet de prédilection- et le musée s’anime d’enfants jouant entre les immeubles, composant un Paris vivant, tendre et poétique.
En plus des clichés emblématiques de la vie parisienne – comme les coiffeuses en pause prenant le soleil, ou des rires volés au bistrot-, l’exposition révèle des aspects méconnus de son œuvre, à travers une approche thématique assez simple mais efficace “Enfance”, “Bistrots”, “Artistes”, “Banlieues’,… On y découvre ses portraits d’artistes -comme Niki de Saint Phalle au milieu de deux de ses “nanas”, Sempé ou Picasso dans son atelier-, sa photographie sur la mode et la vie mondaine lorsqu’il travaillait pour Vogue, ses commandes publicitaires pleines d’humour, et son regard posé sur les laissés-pour-compte. Car au-delà des bouilles d’enfants des beaux quartiers parisiens, ce sont aussi les visages des ouvriers, des prostituées, des personnes précaires que Doisneau saisit avec pudeur et tendresse. Au-delà du ciel bleu du 14 juillet fendu par le drapeau tricolore, il capture les fumées noires des usines. Le visiteur découvre une œuvre qui oscille sans cesse entre rêve et réalité, entre légèreté et gravité. Loin de vernir le réel, il en révèle les rudesses avec une rêverie douce et souvent une petite pointe d’humour.
Derrière l’objectif, un Paris tout en contraste

Redécouvrir Robert Doisneau, c’est aussi redécouvrir Paris. Qui, mieux que lui, a su capturer avec autant de justesse et de poésie la beauté de la capitale, et l’essence du XXe ? Né à Gentilly, le photographe n’a cessé d’arpenter la capitale et ses alentours, appareil autour du cou, en véritable “pêcheur d’images” comme il aimait se définir. Dès 1934, il travaille aux usines de Renault, à Boulogne-Billancourt et y réalise des clichés industriels pendant cinq ans. Installé à Montrouge, il capture Paris sous tous les angles dès l’après-guerre : les cafés où se côtoient les artistes (le café de Flore ou les Deux-Magots dans le 6e), la beauté des espaces verts (les Tuileries, le parc Monceau), des moments de vie sur les quais de Seine… et les banlieues. Il montre ces dernières en pleine mutation : pour lui, « c’est l’endroit où naissent de nouvelles formes d’expression ». Alors, dans les années 80, il photographie les villes nouvelles -en couleur- : Evry, Bagnolet, Gennevilliers. Avec l’écrivain Blaise Cendrars, il immortalise la périphérie dans La Banlieue de Paris, ouvrage paru dès 1949. Son Paris est celui de la diversité, des contrastes, de la beauté du quotidien. À propos des Halles, qu’il immortalisera au temps des travailleurs et marchands, il dira d’ailleurs qu’il y observe : “Des rupins et des clochards, des chauffeurs routiers et des tireurs de diables, des bouchers et des clientes de Dior, des maraîchers et des poivrots”.
À travers les yeux du photographe
Au-delà des clichés, qui valent déjà mille mots, l’exposition propose une plongée intime dans l’univers de Doisneau grâce à des objets et documents personnels du photographe. Carnets, lettres, appareils, installations interactives et audioguide qui donne la parole à l’artiste lui-même : tout est prévu pour que le visiteur puisse voir le monde à la manière de Doisneau le temps d’une exposition. Conçue avec l’aide de ses filles, Annette Doisneau et Francine Deroudille, l’exposition offre un portrait vivant d’un photographe complet, observateur inlassable de son époque mais dont l’œuvre reste intemporelle.
Informations pratiques
Musée Maillol,59-61 Rue de Grenelle,75007 Paris
Réservations et horaires
Image à la une :
Le saut, Robert Doisneau 1936 – Affiche de l’exposition