Au Théâtre de la Concorde, Le Malade Imaginaire change de flow
Tigran Mekhitarian, jeune metteur en scène, revisite Le Malade Imaginaire et lui insuffle un vent de nouveauté dans une version urbaine et moderne à regarder au Théâtre de la Concorde. Danse, hip-hop, costumes et décors remis au goût du jour : une mise en scène audacieuse à ne pas manquer. Une réinterprétation moderne sur des […]

Tigran Mekhitarian, jeune metteur en scène, revisite Le Malade Imaginaire et lui insuffle un vent de nouveauté dans une version urbaine et moderne à regarder au Théâtre de la Concorde. Danse, hip-hop, costumes et décors remis au goût du jour : une mise en scène audacieuse à ne pas manquer.
Une réinterprétation moderne sur des airs de rap
Avec Tigran Mekhitarian, Molière fait peau neuve. Sous sa direction, les personnages se métamorphosent et prennent les traits d’individus du XXIe siècle. Exit Argan, obsédé par les purges et saignées, bonnet de nuit sur la tête : sur la scène du Théâtre de la Concorde, on le retrouve les yeux rivés sur son téléphone, scrollant lascivement et machinalement sur les réseaux sociaux. Derrière lui, une pile d’antidépresseurs et d’ordonnances : un Argan devenu un quarantenaire qui souffre d’une dépression et se mure dans l’agressivité. Interprété avec brio par Mekhitarian lui-même, le personnage est en plein burn-out, enfermé dans sa souffrance et son incompréhension alors qu’éclate autour de lui l’énergie d’une jeunesse révoltée aux intonations urbaines. Plus de quatre cents ans après sa création, Le Malade Imaginaire s’offre un voyage dans le futur sans rien perdre de sa force originelle.
Sous l’œil d’un jeune metteur en scène passionné par l’univers du rap, le texte de Molière prend une dimension nouvelle et résonne avec une actualité inattendue. Avec ingéniosité, Mekhitarian enrichit la pièce de séquences chantées et chorégraphiées qui l’infusent d’une énergie unique. Dans cet univers urbain, c’est au travers d’un rap qu’Angélique et Cléante se déclarent leur amour caché. A la partition, Sébastien Gorski remplace les musiques baroques par des passages hip-hop, tout en excellant sur scène dans le rôle d’un Cléante en jogging, marcel et casquette.
On reconnaît pourtant le texte, déclamé mot pour mot, et porté par des phrasés secs, nerveux, populaires, dans des joutes verbales dignes de rap contenders. Avec un profond respect et une attention méticuleuse portée au texte de Molière, Tigran Mekhitarian démontre que les mots du vieux dramaturge n’ont pas besoin d’être remaniés pour conserver toute leur puissance.
Un plaidoyer contemporain pour l’entraide
Si la maladie d’Argan a changé avec son époque, c’est aussi car Tigran choisit de refléter les maux de notre société contemporaine. Le metteur en scène, qui a déjà adapté trois autres pièces de Molière, repense Le Malade Imaginaire à la lumière des défis actuels : “J’ai grandi autour de Scapins, de gamins insolents qui tentent de trouver leur place grâce à leur tchatche. Je me suis senti représenté par un homme qui, pourtant, n’avait pas les codes de mon époque.” (La Fringale Culturelle).
Intemporelle, la pièce devient un appel vibrant à l’empathie, au dialogue et à la fraternité. Elle se réinvente pour résonner avec la jeunesse, nous invite tous à prendre la mesure du texte et incite à privilégier la discussion plutôt que de céder à la violence et à l’isolement.
La pièce parle aussi aux femmes : la rébellion d’Angélique qui lutte toujours contre son père tyrannique, résonne comme une révolte féministe dans une société encore marquée par le patriarcat.
En explorant ces sujets, la violence du texte et toute sa tragédie se mêlent habilement au burlesque propre à Molière, apportant à la pièce une bonne touche d’humour. Réinvestie dans toute sa richesse comique et tragique, Le Malade Imaginaire devient un espace de réflexion sur des enjeux très actuels.
Molière rendu accessible à tous
En prêtant aux personnages le langage populaire de la jeunesse actuelle, Tigran Mekhitarian entend rendre Le Malade Imaginaire accessible à tous. Le talent des huit acteurs évite heureusement de tomber dans le piège de la caricature, si dangereux lorsqu’on veut représenter la jeunesse populaire. Avec cette relecture inédite de la pièce, Tigran Mekhitarian compte toucher un nouveau public, celui que l’obsolescence de Molière pourrait rebuter.
Puristes attachés aux texte original ou novice, cette réinterprétation saura vous captiver. Rendez-vous au Théâtre de la Concorde les 9, 10, 13, 14, 15, 16, 17, 20, 21 et 22 mai, pour (re)découvrir ce classique de la littérature française.
Informations pratiques :
Théâtre de la Concorde, 1 Av. Gabriel, 75 008 Paris
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