Connaissez-vous l’histoire du premier parc d’attraction français, laissé à l’abandon ?
Avant même Disneyland Paris, ce parc devait être le plus grand -et le premier- parc d’attractions français. Inauguré en 1987 tout près de Cergy-Pontoise, Mirapolis déploie un univers féérique tout droit sorti de la littérature française, avec manèges futuristes et statue immense de Gargantua. Mais très vite, sous l’œil du géant, le rêve vire au […]

Avant même Disneyland Paris, ce parc devait être le plus grand -et le premier- parc d’attractions français. Inauguré en 1987 tout près de Cergy-Pontoise, Mirapolis déploie un univers féérique tout droit sorti de la littérature française, avec manèges futuristes et statue immense de Gargantua. Mais très vite, sous l’œil du géant, le rêve vire au cauchemar : ratés techniques, faillite, abandon du terrain et réaménagements… on vous présente l’histoire fascinante de ce parc inédit.
Mirapolis, le rêve gargantuesque du premier parc d’attractions français

Tout part d’un rêve : celui d’Anne Fourcade, architecte qui n’a pas peur de voir les choses en grand. En 1982, elle part aux États-Unis et y découvre les parcs d’attraction géants à l’américaine. Des étoiles plein les yeux, elle revient en France avec un grand projet : créer le premier parc à thème français, à la hauteur de Disneyland, mais 100% inspiré de notre patrimoine littéraire. Mirapolis naît de cette ambition bâtir ce lieu “dans lequel tous les visiteurs, petits et grands vont pouvoir rêver, jouer, voir le fantastique et surtout avec des nouvelles technologies leur donner un espace de rêve et de fête… » (Anne Foucarde) Deux ans plus tard, son plan séduit Gaith Pharaon, un milliardaire saoudien qui en finance la construction sur un terrain de 50 hectares, à Courdimanche, près de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise. S’érige alors un véritable pays des merveilles, un lieu inédit en France où cohabitent 35 attractions aux technologies novatrices, et des décors comme on en voyait seulement dans le monde de Mickey. Le 20 mai 1987, le parc ouvre en grandes pompes, inauguré par Bernadette et Jacques Chirac -alors Premier Ministre.
À 35 mètres de hauteur, verre de vin rouge à la main et sourire aux lèvres, la mascotte du parc les accueille : c’est Gargantua, ce célèbre personnage tiré de l’univers de Rabelais. Plus haute statue creuse d’Europe, avec en son ventre, un restaurant et une attraction. Autour de lui s’anime un monde magique, fait d’un château des sortilèges, de la rivière des castors, du palais de la Dame Tartine, de monstres cauchemardesques réfugiés dans les ruines sous-marines de la ville d’Ys ou encore de chevaliers de la table ronde réunis dans un bâtiment consacré aux légendes bretonnes.
Un conte de fées qui vire au cauchemar
Mais le rêve tourne très rapidement à la désillusion, et les catastrophes s’enchaînent. Quelques jours après l’inauguration du parc, 200 forains menés par Marcel Campion saccagent les attractions pour protester contre une baisse de la TVA à 7% pour les parcs d’attraction, alors qu’eux restent taxés à 18,60%. C’est un fiasco total, et comme un problème n’arrive jamais seul, l’été 1987 s’annonce catastrophique. 15°C en plein juillet, et des averses à répétition… Résultat, le nombre de visiteurs chute drastiquement. À l’époque, dans un sujet de France 3, un journaliste lance : « Gargantua a vu plus gros que son ventre ». Une formule cruelle, mais pas injustifiée. Si des consultants américains spécialisés ont été sollicités côté business, la construction elle, a été confiée à une main d’œuvre peu qualifiée pour ce type de projet, dans une course contre la montre. Le parc en a payé le prix fort : les problèmes d’entretien se succèdent, et les animatiques tombent en panne dès les premiers mois…un véritable gouffre financier. Cerise sur le gâteau : le thème du parc, pourtant pensé comme une originalité française, se révèle peu fédérateur. Rabelais ne fait pas rêver les internationaux, et un sondage dévoile que seulement 5% des visiteurs trouvent la thématique de la littérature française intéressante…
Face à ce constat peu réjouissant, pas question de baisser les bras. Tambours battants, sous la nouvelle direction du Club Med, on mise sur la publicité et la communication. Place aux célébrités et aux sensations fortes. Mirapolis sort l’artillerie lourde : Johnny Hallyday inaugure un roller coaster flambant neuf, le Miralooping -le plus grand d’Europe-, et le chanteur Carlos compose la nouvelle hymne du Parc. On réussit alors à enregistrer 1 millions de visiteurs : un score honorable, mais toujours sous le seuil de rentabilité. Même l’accord trouvé avec Marcel Campion — passé du sabotage à la réconciliation — n’y change rien. L’arrivée de Disneyland Paris, massivement subventionné par l’État, achève de condamner Mirapolis et le parc ferme ses portes le 20 octobre 1991 à la fin de sa cinquième saison.
Laissé à l’abandon : un no man’s land mystérieux
En 1995, quatre ans après la fermeture du parc, Gargantua veillait toujours sur le terrain, silhouette immense au sourire figé, devenu mélancolique. Les attractions sont revendues à des parcs comme Europa Park, est le terrain est laissé à l’abandon. Des explorateurs urbex s’y aventurent, et des entraînements militaires y ont lieu. Le lieux est alors le terrain de jeu d’activités secrètes, parfois illégales, qui font perdurer l’ambiance mystique et l’imaginaire foisonnant qui se déploient autour de lui. Le terrain est racheté à de nombreuses reprises sans que les projets d’aménagement n’aboutissent.
Une nouvelle vie ?
Mais le terrain semble aujourd’hui renaître de ses cendres. En décembre 2024, un permis de construire y est enfin déposé. Après 30 ans de projets avortés, c’est le groupe Océanis qui s’empare du terrain pour lui offrir une nouvelle vie. Le projet : un vaste village écologique, touristique et étudiant. On y trouverait des zones résidentielles, des commerces, des logements étudiants, des hôtels et cottages, espaces de coworking, et de nombreux loisirs dont un terrain de padel, un espace de fitness et un tiers-lieu… bref, 40 ans après, le terrain est prêt à accueillir un nouveau rêve qui -on l’espère-, ne virera pas au cauchemar.
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Image à la une :
Statue de Gargantua, Mirapolis -Archives de la Ville de Cergy