Casa Valle : la galerie new-yorkaise de Giancarlo Valle et Jane Keltner de Valle

À quelques enjambées de l’effervescence de SoHo, Giancarlo Valle et sa femme Jane Keltner de Valle ont façonné, pour la première fois à deux, un décor où se croisent un design pointu et des ambiances domestiques singulières. Bienvenue entre les murs de leur nouveau projet : Casa Valle, une galerie éminemment inspirante, célébrant le geste de l’artisan à travers les époques.

May 1, 2025 - 07:23
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Casa Valle : la galerie new-yorkaise de Giancarlo Valle et Jane Keltner de Valle
Table au plateau en résine, Studio Giancarlo Valle. Tapisserie flamande du XVIIe siècle.
Bureau de Josef Frank. Chaise “Fin”, Studio Giancarlo Valle. Lampe Art nouveau et esquisse de l’architecte Gunnar Asplund.

 

M.F. Selon quelle dynamique collaborez-vous au sein du Studio Giancarlo Valle ?

G.V. Nous sommes tous deux issus de milieux professionnels où l’image prédomine. J’ai étudié l’architecture et je conçois des intérieurs et des meubles. Jane, qui a été directrice de style pour l’édition américaine d’Architectural Digest, suggère, quant à elle, des histoires à travers les décors qu’elle ordonne. C’est en aménageant notre loft dans un ancien immeuble industriel, à Brooklyn, que nous nous sommes aperçus que nos visions artistiques se complétaient.

Parmi les galeries d’art et de design de Tribeca, vous avez ouvert un espace pensé comme une maison, la Casa Valle. Quelle intention ce choix portait-il ?

J.K.d.V. Nous voyons la Casa Valle comme une annexe de notre loft, un environnement réunissant architecture, design et nos passions respectives. Il nous permet aussi d’accueillir des hôtes pour des dîners ou des soirées, et d’initier des échanges créatifs dans un espace personnel. Les objets décoratifs et les œuvres d’art n’ont pour nous de sens que lorsqu’ils sont disposés dans des lieux où se dégage une lecture personnelle, l’expression d’un goût. Nous voyons avant tout le design comme la somme d’éléments définissant un cadre de vie. Nous cherchons à montrer comment on peut s’entourer d’objets de collection, ne pas craindre de les côtoyer, aussi beaux soient-ils. Au fil des ans, nous avons remarqué, chez nous, qu’un bon design pouvait accompagner des moments et donc des souvenirs de famille.

Canapé “Julio” et miroir “Paloma”, Studio Giancarlo Valle. Fauteuil de Mats Theselius. Urne en fer forgé d’Ivar Johnsson. Table basse de Josef Frank.

Comment avez-vous imaginé cet espace ?

J.K.d.V. La Casa Valle a pris place dans un bâtiment en fer forgé du quartier de Tribeca. L’espace, de plus de 300 m2, compte un étage ouvert sur la rue et un autre, plus confidentiel, en sous-sol. Plusieurs ambiances y ont été travaillées, comme dans les pièces d’une maison. On y retrouve un salon avec une cheminée, une salle à manger, une bibliothèque et un bar. Et, bien sûr, la fantaisie et l’audace propres à l’approche du Studio Giancarlo Valle, un peu à l’image des décors des maquettes qui accompagnent chaque projet d’intérieur. Le lieu, bâti au XVIIIe siècle, était autrefois la résidence de la famille Lispenard. Nous tenions à renouer avec une époque où l’artisanat conférait toute son âme aux intérieurs, comme en témoignent les matériaux utilisés pour les meubles et les intérieurs du studio Giancarlo Valle — argile, pierre ou encore bois.

De quelle façon cette galerie vient-elle compléter votre travail créatif au Studio Giancarlo Valle, à quelques pas de là ?

G.V. La galerie est également, à bien des égards, une annexe du studio tout proche. L’aménagement est, en quelque sorte, une maquette à grande échelle que nous modelons et remodelons sans cesse. Il s’agit d’un projet en constante évolution laissant la place à l’interprétation, pour notre équipe comme pour les hôtes de la Casa Valle.

Paire de fauteuils “Elena”, Studio Giancarlo Valle. Table basse en noyer et racine d’orme de Josef Frank, Svenskt Tenn. Suspension en acier de Hans-Agne Jakobsson.

Comme aux grandes heures du mouvement Arts and Crafts, vous y dévoilez un parti pris pour la matière et le travail de l’artisan. Pourquoi cette approche est-elle essentielle à votre design ?

G.V. Pour apprécier le design contemporain, il faut s’intéresser à ce qui l’a précédé, tout comme, pour comprendre l’artisanat, il faut approcher les pièces qui en résultent. Nous aimons lorsque l’histoire sert de fil rouge à nos projets. La collaboration avec des artisans fait partie intégrante du processus qui accompagne le travail créatif du studio. Nous avons la chance de pouvoir collaborer avec des artisans new-yorkais exceptionnels Matt Merkel Hess, dont le studio se trouve à Harlem, fabrique ainsi tous les carreaux de céramique de nos tables. Et l’artiste française Marion Kadi a peint le somptueux ciel du plafond du salon au sous-sol de notre galerie.

La Casa Valle sert d’écrin à votre nouvelle collection de meubles. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

J.K.d.V. Nous venons d’accueillir à la galerie le canapé “Smile”, un meuble sculptural de près de 4 mètres de longueur avec un grand cadre en bois. Une pièce élégante avec cette pointe de fantaisie qui a fait la signature du studio au fil des ans. Le fauteuil “Smile”, qui l’a précédé, était le premier meuble conçu par Giancarlo. C’est fascinant d’observer l’évolution de cette collection.
G.V. Le canapé “Julio”, créé pour un client de Mexico, vient d’être réinterprété avec un pied laqué de noir. Nous avons exploré différents nouveaux matériaux. Nous sommes particulièrement heureux de la table au plateau en résine et au piétement en zinc qui vient de rejoindre la galerie. Le mariage de la matière et du fait-main nous passionne depuis toujours.

Bureau et chaise anthroposophiques. Lampe “Plateau”, Studio Giancarlo Valle en collaboration avec la céramiste Natalie Weinberger.

Quels sont les designers du passé dont l’œuvre inspire particulièrement votre travail en ce moment ?

G.V. J’ai tendance à me tourner vers les designers qui ont travaillé de manière holistique. J’ai grandi dans la banlieue de Chicago, où j’ai été confronté à l’œuvre de Frank Lloyd Wright très jeune. J’ai longtemps trouvé son travail trop circonscrit, mais, ces dix dernières années, j’ai reconsidéré celui-ci avec un nouvel œil. J’ai ainsi perçu à quel point l’approche de son studio était enracinée dans la tradition du design américain dont les qualités ont essaimé bien au-delà du pays. New York occupe aussi une grande place dans notre travail de réflexion et de conception. J’ose espérer que cela se lit dans les choses que nous créons.

On peut retrouver à la Casa Valle une sélection de maquettes aux airs de maisons de poupées et aux décors en pâte à modeler signés Giancarlo Valle. Qu’apporte cette matérialisation ludique à votre processus créatif ?

G.V. Les maquettes jouent un rôle de taille dans le développement de nos idées. Il est important pour nous de les avoir à nos côtés pour conserver la trace de celles-ci pour de futurs projets. Elles nous entourent donc au studio et à la galerie, et sont des outils particulièrement utiles à notre travail créatif. Nous pouvons y laisser vagabonder notre imagination.

Envisagez-vous d’ouvrir les portes de la Case Valle à des collaborateurs pour y présenter des projets communs ?

G.V. C’est une idée que nous songeons à creuser au fil du temps. Nous avons déjà demandé à des artistes de réaliser des œuvres pour la galerie, et comptons poursuivre cette démarche. Cette tradition en devenir devrait permettre aux choses de se produire de façon organique.

Canapé “Smile”, fauteuils “Puff” et table “Jane”, le tout Studio Giancarlo Valle. Sur les colonnes, urnes en fer forgé d’Ivar Johnsson. Suspension “Plateau” conçue par le Studio Giancarlo Valle en collaboration avec la céramiste Natalie Weinberger.