Milan Design Week 2025 : les luminaires sensibles de Kwangho Lee pour Lambert & Fils
Au printemps dernier, le designer sud-coréen Kwangho Lee rejoignait le studio montréalais de luminaires Lambert & Fils pour façonner des pièces sculpturales revêtues d’émail selon la technique ancestrale asiatique du chilbo. De cette fusion entre un savoir-faire artisanal et une production industrielle accueillant l’aléatoire avec maîtrise est née la collection Bolda. Ces créations nimbées de poésie se dévoilent tout juste dans le cadre du Salone del Mobile, à Milan.

C’est l’une des collections les plus attendues de la grand-messe milanaise du design. Fidèle à la fibre artistique qui l’anime, le studio canadien de luminaires Lambert & Fils a invité le designer sud-coréen Kwangho Lee à explorer à ses côtés une voie créative audacieuse. L’idée de cette collaboration voit le jour grâce à Pierre Laramée, directeur de l’ancienne galerie montréalaise Commissaires, qui a organisé la première exposition de Kwangho Lee en Amérique du Nord en 2008. C’est à cette occasion qu’il présente, entre autres, un luminaire sous la forme d’un tressage. Fasciné par les créations du jeune designer, Samuel Lambert, le fondateur du label québécois, suit son parcours avec intérêt. En particulier son travail de l’émaillage du cuivre inspiré de la technique asiatique du chilbo, dont l’origine remonte au XVe siècle. Alors que celle-ci est traditionnellement employée pour décorer des bijoux ou des petits objets décoratifs, Kwangho n’hésite pas à l’appliquer à des pièces de grande envergure, comme des chaises, des bancs ou des bibliothèques. Grâce à un four et de la poudre de verre de couleur déposée sur des feuilles de cuivre, il obtient un fini brillant et irrégulier qui se marie harmonieusement à l’élégance de son métal de prédilection. « Kwangho Lee détourne la technique de l’émaillage comme Jackson Pollock le faisait avec la peinture », observe Samuel Lambert. Le Coréen entretient avec l’artisanat une relation fondamentale, qui confère à ses œuvres une présence à la fois familière et résolument avant-gardiste. « Depuis ma plus tendre jeunesse, j’aime exprimer des choses à l’aide de mes mains. Mes grands-parents, qui étaient fermiers, ont grandement influencé ma pratique. Les gestes que je pose sont ma façon de connecter le passé au présent », confie-t-il.
À l’autre bout du monde, le manufacturier canadien sonde, lui aussi, depuis 2010, les possibilités offertes par les matériaux divers en associant son savoir-faire à la vision artistique de talents locaux et internationaux. « Je cherchais à collaborer avec un designer dont l’approche de la matière serait plus brute, afin d’insuffler, au moyen d’une intervention minimale, de la poésie à un objet industriel », explique Samuel Lambert. Les échanges débutés avant la pandémie aboutissent à des ébauches, puis, en mars 2024, à une résidence de neuf jours dans l’atelier de Lambert & Fils, à Montréal, où le Coréen initie l’équipe en place à la méthode de l’émaillage apprise au début de sa carrière. Les contraintes liées à la technique venue d’Asie et à une production industrielle guident le design. Des feuilles de cuivre émaillées ornent une structure d’aluminium dont les éléments sont disposés de façon à permettre à la lumière de s’immiscer dans des percées et de modeler l’ambiance d’une pièce. « Le principal défi a été de déterminer une forme qui reflèterait ma quête personnelle dans le cadre d’une production industrielle. Le reste du travail de recherche s’est déroulé de façon très fluide. Nous partagions, sans le savoir, beaucoup de points communs dans notre approche créative. Lorsque je suis venu à Montréal pour élaborer des émaux, nous avons réalisé de nombreux essais pour arriver à des résultats bien meilleurs que ceux auxquels je m’attendais compte tenu de l’échelle de production », relate Kwangho.
Les surfaces légèrement miroitantes et irrégulières des émaux ont inspiré le nom de la collection Bolda, un mot qui évoque la quiétude des vagues et du vent de l’île de Jeju, où le designer vit et crée en harmonie avec la nature. L’alchimie des émaux, qui se révèle au terme de la vitrification, leur confère une beauté singulière qui contraste avec le design épuré. Au terme de ce dialogue artistique au long cours, il reste à chacun l’intime conviction d’une communion d’esprit teintée de sensibilité. « Cette collection est issue de la rencontre de deux cultures parallèles, mais l’essence de notre travail, notre regard sur ce que nous fabriquons sont les mêmes. L’émotion que nous éprouvons face à la matière et l’esthétisme qui en résulte est universelle », relève Samuel. Des appliques et des suspensions seront dévoilées début avril à Euroluce, à l’occasion du Salone del Mobile, à Milan. Des modèles en aluminium poli y seront aussi présentés. Une nouvelle célébration du geste, dans toute sa simplicité, à l’image de celui qui a porté ce projet.