Mais qui sont ces 6 millions de morts enterrés dans les catacombes ?

Elles fascinent, intriguent, impressionnent… et pour cause : les catacombes de Paris abritent plus de six millions de dépouilles, anonymes et entassées dans un vaste labyrinthe souterrain. Si le lieu attire aujourd’hui les touristes en quête de mystère, il n’en reste pas moins un espace de recueillement et de mémoire collective. Si l’histoire de ces […]

Apr 16, 2025 - 15:50
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Mais qui sont ces 6 millions de morts enterrés dans les catacombes ?

Elles fascinent, intriguent, impressionnent… et pour cause : les catacombes de Paris abritent plus de six millions de dépouilles, anonymes et entassées dans un vaste labyrinthe souterrain. Si le lieu attire aujourd’hui les touristes en quête de mystère, il n’en reste pas moins un espace de recueillement et de mémoire collective. Si l’histoire de ces catacombes est -relativement- bien connue, que sait-on vraiment de ces millions de morts que l’on devine derrière les murs d’ossements ? Qui sont-ils et comment ont-ils fini là ? On vous raconte.

Quand Paris transférait ses corps

Tout commence à la fin du XVIIIe siècle, à une époque où les cimetières parisiens débordent et posent d’importants problèmes sanitaires. Celui des Innocents -le plus important de Paris à l’époque- est saturé au point qu’une cave voisine s’effondre sous le poids des fosses communes. Les habitants des alentours se plaignent des odeurs nauséabondes, et en 1786, les autorités publiques se chargent de transférer une grande partie des cadavres dans un endroit situé sous les rues de la ville : les anciennes carrières de la Tombe-Issoire. La procédure s’étendra peu à peu à 17 cimetières, 160 lieux de culte et 145 monastères et couvents parisiens. L’ossuaire municipal de Paris, surnommé “les catacombes” en référence à celles de Rome, voit le jour. D’abord jetés pêle-mêle, les cadavres sont transférés d’une manière plus structurée et respectueuse dès la moitié du XIXe siècle : on respecte un rite religieux scrupuleux avant de jeter les ossements dans les puits des carrières. Ceux-ci sont ensuite emmenés dans les salles des galeries. Si l’on peut aujourd’hui avoir une vague idée d’où viennent ces anonymes, c’est car la date des transferts et la provenance des corps étaient soigneusement gravées sur des plaques de pierre, encore perceptibles aujourd’hui.

Plaque des catacombes - © AdobeStock
Plaque des catacombes – © AdobeStock

Au total, ce sont plus de six millions de corps qui ont été  transférés dans les profondeurs des souterrains parisiens, sur plus de 800 hectares. Du Moyen-Âge à la Révolution, reposent des millions d’anonymes parmi lesquels certains nous sont bien connus. 

Une nécropole de la Révolution

Les catacombes abritent de nombreux morts liés à la Révolution française. Parmi eux, plus d’un millier de victimes des grandes exécutions publiques par la guillotine, dont certains noms qui ont traversé l’histoire comme Charlotte Corday -celle qui assassinat Marat-, Camille Desmoulins, Danton, le chimiste Lavoisier et finalement Robespierre. Tous furent guillotinés entre 1792 et 1794 place du Carrousel ou place de la Concorde, puis inhumés au cimetière des Errancis, avant d’être transférés pêle-mêle dans les catacombes. Autre épisode tragique qui a laissé son empreinte dans l’ossuaire : les massacres de Septembre 1792. Plus de mille prisonniers -prêtres réfractaires, nobles, et aussi citoyens ordinaires- massacrés par les sans-culottes parisiens du 2 au 6 septembre 1792, dans un mouvement de crainte collective d’un complot contre-révolutionnaire. Leurs restes reposeraient dans la fosse collective baptisée la “Hargue des martyrs de septembre”. À ces morts de la Révolution s’ajoute la centaine de Gardes-Suisses tués aux Tuileries le 10 août 1792, derniers défenseurs de Louis XVI.

Plaque des morts du 10 août 1792, Catacombes - © AdobeStock
Plaque des morts du 10 août 1792, Catacombes – © AdobeStock

Même si aucune identification précise n’est possible, toutes ces personnes que l’histoire oppose reposent aujourd’hui ensemble dans les galeries sombres des catacombes, témoins d’une page d’histoire sanglante. 

Écrivains, compositeurs, philosophes,…

Parmi les millions de cadavres transférés des anciens cimetières parisiens, on compte aussi des écrivains, des savants et des musiciens qui ont marqué l’histoire. Impossible de les distinguer précisément dans la masse, mais on y devine notamment la présence de Charles Perrault -auteur des contes qui ont bercé notre enfance- et celle de son frère Claude Perrault, architecte de l’aile est du palais du Louvre. Du cimetière de Saint-Paul furent transférés Rabelais et le compositeur Jean-Baptiste Lully. Certains parlent aussi de Racine et Blaise Pascal, mais en réalité, les deux reposent encore aujourd’hui dans l’église Saint-Étienne-du-Mont. Quant à Jean de La Fontaine, l’auteur des fables qui résonnent encore dans nos têtes, bien qu’on puisse voir sa tombe au cimetière du Père-Lachaise, il avait en réalité été lui aussi transféré du cimetière des Innocents. Le doute plane donc quant à la possibilité que ses os soient quelque part dans les profondeurs des catacombes. En bref, dans ce labyrinthe souterrain intrigant, six millions de Parisiens – anonymes, célèbres, révolutionnaires, contre-révolutionnaires, ou artistes – reposent côte à côte. Un lieu de mémoire collective, rempli d’histoire. 

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Catacombes de Paris © Adobe Stock