Exposition : Artemisia Gentileschi, l’intensité en clair-obscur d’une peintre baroque

Peintre de l’école caravagesque, Artemisia Gentileschi (1593-1656) est l’une des rares femmes à vivre de son art grâce aux nombreuses commandes qu’elle reçoit de la part des cours royales d’Europe. Ses sujets, souvent chrétiens, libèrent une intensité dramatique par l’usage du clair-obscur, la torsion des corps et la justesse des expressions. Jusqu’au 3 août  2025, […]

Mar 23, 2025 - 22:14
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Exposition : Artemisia Gentileschi, l’intensité en clair-obscur d’une peintre baroque

Peintre de l’école caravagesque, Artemisia Gentileschi (1593-1656) est l’une des rares femmes à vivre de son art grâce aux nombreuses commandes qu’elle reçoit de la part des cours royales d’Europe. Ses sujets, souvent chrétiens, libèrent une intensité dramatique par l’usage du clair-obscur, la torsion des corps et la justesse des expressions. Jusqu’au 3 août  2025, le musée Jacquemart-André dévoile une quarantaine de tableaux, dont on garde en mémoire la puissance et l’émotion.

Défendre son art

Certes, les expositions dédiées aux artistes femmes sont monnaie courante de nos jours – il faut bien rattraper le temps perdu. Cela dit, il était nécessaire de consacrer une rétrospective à Artemisia Gentileschi, bien que l’on regrette qu’une nouvelle fois, seul le prénom d’une artiste femme apparaisse sur l’affiche – là où l’on a l’habitude de nommer les hommes par leur seul patronyme.

Artemisia Gentileschi, Suzanne et les Vieillards, 1610© akg-images / MPortfolio / Electa
Artemisia Gentileschi, Suzanne et les Vieillards, 1610 – © akg-images / MPortfolio / Electa

Cette peintre italienne, figure majeure de l’école caravagesque, a été formée par son père, le peintre Orazio Gentileschi. Si l’exposition met en lumière cette filiation, elle fait facilement percevoir le caractère indépendant de l’artiste romaine, qui excelle dès ses premières toiles – Suzanne et les vieillards peint à l’âge de 17 ans – et dépasse indéniablement le maître avec sa remarquable Judith et sa servante avec la tête d’Holopherne – mis en parallèle avec le tableau peint par son père, dont les expressions sont moins saisissantes.

Artemisia Gentileschi, Esther et Assuérus, années 1620© courtesy of the Metropolitan Museum of Art
Artemisia Gentileschi, Esther et Assuérus, années 1620 – © courtesy of the Metropolitan Museum of Art

Artemisia se démarque donc dès son plus jeune âge, et reste l’une des seules femmes du XVIIe siècle à vivre de son art en étant reconnue à l’international. La peintre reçoit en effet de nombreuses commandes de différentes cours royales d’Europe, dont celles de Charles Ier d’Angleterre ou des Médicis, participant notamment aux décorations du plafond de la Casa Buonarroti à Florence, dont deux panneaux sont exceptionnellement présentés.

Une intensité dramatique

Jusqu’ici, Artemisia Gentileschi était bien souvent présentée à travers sa biographie, marquée par le viol qu’elle subit de la part du peintre Agostino Tassi, auquel son père intente un procès. Condamné à l’exil, ce dernier n’appliquera qu’une partie de sa peine, étant alors protégé par le pape.

Artemisia Gentileschi, Judith et sa servante avec la tête d’Holopherne, v. 1618-1619© Concession du Ministère de la Culture italien
Artemisia Gentileschi, Judith et sa servante avec la tête d’Holopherne, v. 1618-1619
© Concession du Ministère de la Culture italien

Ainsi, de nombreuses toiles font écho à ce drame personnel, à commencer par Judith et sa servante avec la tête d’Holopherne, Yaël et Siséra ou encore Judith décapitant Holopherne. Ces sujets religieux apparaissent en ce sens comme des prétextes pour illustrer des figures féminines puissantes, dont les gestes brutaux et irrémédiables concentrent une intensité émotionnelle. Bien sûr, l’influence de Caravage et de ses clairs-obscurs renforce cette dimension, entre la pâleur de la peau et l’obscurité de la scène, la torsion des corps souffrants et l’énergie des mouvements.

Autoportraits, la force du regard 

Un autre aspect singulier de l’oeuvre d’Artemisia Gentileschi est mis en avant dans l’une des salles de l’exposition – dont le manque de luminosité et les reflets malvenus sont parfois regrettables. Plusieurs autoportraits de l’artiste démontrent son talent pour la représentation des expressions humaines, et notamment, la force de caractère de ces sujets. On se sent intimidé face à la célèbre Joueuse de luth au regard sévère, qui nous intrigue d’autant plus sur la personnalité hors du commun de cette artiste.

Artemisia Gentileschi, Madeleine pénitente, vers 1625, Huile sur toile, 122,5 x 97,5 cm, Séville, Catedral de Sevilla photo : Catedral de Sevilla
Artemisia Gentileschi, Madeleine pénitente, vers 1625, Huile sur toile, 122,5 x 97,5 cm, Séville, Catedral de Sevilla photo : Catedral de Sevilla

Romane Fraysse

Artemisia Gentileschi
Musée Jacquemart-André
158 boulevard Haussmann, 75008 Paris
Jusqu’au 3 août 2025

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Image à la une : Artemisia Gentileschi, Autoportrait en joueuse de luth, v.1615-1618 – © Allen Phillips/Wadsworth Atheneum