Derrière les murs de cette architecture novatrice reconnue au patrimoine de l’UNESCO se cache en réalité un couvent
Si la France ne manque pas d’églises (on en compte plus de 42 000 !), certaines parviennent toutefois à se démarquer du lot par leur histoire, les trésors religieux qu’elles peuvent abriter, et bien entendu par leur apparence. Un constat qui s’applique également aux couvents, également nombreux en France, et plus particulièrement à cette étonnante […]

Si la France ne manque pas d’églises (on en compte plus de 42 000 !), certaines parviennent toutefois à se démarquer du lot par leur histoire, les trésors religieux qu’elles peuvent abriter, et bien entendu par leur apparence. Un constat qui s’applique également aux couvents, également nombreux en France, et plus particulièrement à cette étonnante structure en pleine nature, non loin de la “capitale des Gaules”.
La dernière grande œuvre du Corbusier en France
Au milieu du XXe siècle, l’Ordre des Prêcheurs, plus connu sous le nom d’ordre dominicain et historiquement connu sous le nom de Jacobins, disposent d’un centre d’études destiné à la formation des jeunes frères situé à Chambéry. Mais au début des années 1950, l’Ordre souhaite construire un centre de formation dans la région lyonnaise, afin de se rapprocher de la métropole. Grâce au révérend Père Marie-Alain Couturier, la commande d’un studium est passée sur le domaine de La Tourette. Et pour donner vie à ce centre de formation, on se tourne alors vers l’architecte et urbaniste à qui l’on doit déjà l’immeuble Molitor de Paris ou l’étonnante Cité Frugès de Pessac : Charles-Édouard Jeanneret-Gris, dit Le Corbusier. Construit sur un plan carré en forme de “U” fermé au nord par le vaisseau de l’église, le couvent s’inspire directement des modèles cisterciens. Implanté sur un terrain fortement incliné, il prend, selon l’expression de l’architecte, “son assiette” sur le haut du vallon et compose avec la pente grâce aux pilotis. Considéré comme la dernière grande œuvre du Corbusier en France, le couvent de la Tourette abrite bien entendu une église, qui se présente sous la forme d’une simple “boîte” de béton brut, couverte d’un toit-terrasse. À l’intérieur, bois et béton cohabitent à merveille aux côtés de trois “canons à lumière” qui diffusent une lumière colorée par la peinture des murs. Dans cet édifice, la lumière est en effet un matériau à part entière au service d’une véritable innovation spatiale.
Un monolithe qui symbolise parfaitement la pensée de l’architecte
Entouré de nombreux collaborateurs sur ce projet, Le Corbusier reste toutefois fidèle à sa vision qui l’a rendu célèbre : le souci de construire au plus près des besoins de l’homme, avec un espace pour chaque fonction de la vie quotidienne. Au couvent de la Tourette, l’architecte comprend ainsi les rythmes de la vie religieuse en 3 temps distincts : vie individuelle, vie collective et vie spirituelle. Au-dessus de l’étage d’accueil, consacré à l’étude et aux séminaires avec présence d’une bibliothèque et de salles de travail, se trouvent les niveaux 1 et 2, exclusivement réservés aux cellules des moines. Tronqué par la pente du terrain tout comme le niveau 5, le niveau 4 est consacré à la vie collective de la communauté (réfectoire, chapitre, atrium), et présente la particularité d’être desservi par deux larges couloirs qui dessinent une croix au cœur de la cour et qui conduisent également à l’église. Enfin, le cinquième niveau se compose de deux corps de bâtiment séparés : la cuisine et une salle commune, et les caves, situées sous l’église. Reconnu comme une œuvre de maturité pour sa force, sa richesse et sa complexité, le Couvent de la Tourette est une œuvre assurément unique, au point d’être considérée comme la seconde œuvre contemporaine la plus importante, après le Centre Pompidou de Piano et Rogers.
Voir cette publication sur Instagram
Une publication partagée par Monts du Lyonnais Tourisme (@montsdulyonnaistourisme)
Fascinant lieu de vie, de rencontre et de partage
Après avoir été classé Monument Historique en 1979, le Couvent recevra d’ailleurs les honneurs de l’UNESCO en 2016, en étant inscrit “l’œuvre architecturale de Le Corbusier, une contribution exceptionnelle au Mouvement Moderne” sur la Liste du patrimoine mondial. Surtout, il restera à jamais dans la mémoire de son architecte, comme le prouve cette lettre du 15 février 1963 adressée au père Levesque : “J’ai la passion de mon métier. Je crois qu’on vous a fait un beau couvent. Je regrette souvent de n’avoir pas une journée à consacrer à une visite chez vous. Hélas, mon métier m’oblige à être un voyageur impénitent, un Pierre l’Ermite déambulant. Pour finir, laissez moi vous affirmer, bien sérieusement, que j’ai eu une très grande joie à entreprendre la Tourette, à y passer, à vous voir, et je vous remercie de cette joie que vous m’avez donnée.” Un lien fort entre l’architecte et son œuvre qui se poursuivra même par-delà la mort : suite à son décès en 1965, la dépouille du Corbusier fait une halte sur le chemin qui la mène à Paris au couvent de la Tourette, où elle est veillée par les frères durant une nuit. Ouvert au début des années 1970 vers l’extérieur pour des visites et séjours, le Couvent est aujourd’hui habité par une dizaine de dominicains qui organisent annuellement un programme culturel “Les Rencontres de La Tourette”, ainsi que des expositions d’art.
Voir cette publication sur Instagram
Une publication partagée par Thé Cha . Tea Art (@the_cha_tea_art_)
Couvent Sainte-Marie de la Tourette
760 route de la Tourette
69210 Eveux
À lire également : Cet incroyable jardin de pierres et de coquillages caché à Lyon a été pensé comme une ode à la vie et à la nature !
Image à la une : Couvent de la Tourette © Adobe Stock