À la BnF, le temps de l’Apocalypse nous ouvre vers des mondes nouveaux

“Apocalypse“, la thématique ne paraît pas absurde dans une époque comme la nôtre. Pourtant, la Bibliothèque nationale de France tient à rappeler que ce terme annonce, à l’origine, un moment révélateur : celui d’un nouvel ordre du monde. Faut-il donc voir dans les catastrophes contemporaines la possibilité de se réinventer ? Jusqu’au 8 juin 2025, […]

Feb 17, 2025 - 21:11
 0
À la BnF, le temps de l’Apocalypse nous ouvre vers des mondes nouveaux

Apocalypse“, la thématique ne paraît pas absurde dans une époque comme la nôtre. Pourtant, la Bibliothèque nationale de France tient à rappeler que ce terme annonce, à l’origine, un moment révélateur : celui d’un nouvel ordre du monde. Faut-il donc voir dans les catastrophes contemporaines la possibilité de se réinventer ? Jusqu’au 8 juin 2025, cette exposition passionnante explore une thématique plus lumineuse qu’on ne le croit, du Nouveau Testament jusqu’aux enjeux les plus actuels.

La rencontre du voyant

L’Apocalypse est un mot qui fait peur. Il évoque des catastrophes aussi sublimes qu’effrayantes – ouragans, collision de planètes, créatures maléfiques venues d’un au-delà, etc. – que l’exposition introduit avec la scène finale du film Melancholia de Lars von Trier. Une fin de l’humanité ? Un retour dans le néant ? Rien de moins sûr, car, comme le rappelle le premier cartel, l’étymologie grecque du terme “Apocalypse” désigne en vérité une révélation, un dévoilement, idée reprise à la fin du Nouveau Testament.

Yüksel Arslan (1933-2017)Arture 385. L’Homme XXVI. Hallucinations 1988 Techniques mixtes Collection Antoine de Galbert, Paris, 2009 © ADAGP, Paris, 2025
Yüksel Arslan (1933-2017), Arture 385. L’Homme XXVI. Hallucinations, 1988. Techniques mixtes, Collection Antoine de Galbert, Paris, 2009 – © ADAGP, Paris, 2025

Une première section du parcours s’attarde alors sur ces deux sens : le dévoilement, à travers la figure du voyant, puisque la fin d’un monde est bien souvent annoncée par un esprit lucide qui éclaire les êtres sur les mystères de l’invisible. Autour de cette figure sont alors rassemblées des sculptures de Laurent Grasso, des dessins d’Henri Michaux, Max Ernst et Unica Zürn, ainsi que le manuscrit de la célèbre Lettre du voyant d’Arthur Rimbaud appelant “un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens”.

Une révélation de l’au-delà 

En poursuivant l’idée d’une révélation, le parcours retrace les différents épisodes du “Livre de la Révélation” clôturant Le Nouveau Testament. À travers des manuscrits enluminés, un extrait du film Le Septième Sceau d’Ingmar Bergman ou des sculptures de Kiki Smith, on parcourt ce récit des sept sceaux au Jugement dernier : une traversée symbolique qui aurait peut-être gagné à être davantage commentée, mais dont on comprend la finalité lumineuse, celle d’une existence sans souffrance pour les élus.

Apocalypse de Saint-Victor Ouverture du sixième sceau Normandie, 1er quart du XIIIe siècle Manuscrit peint sur parchemin BnF, département des Manuscrits
Apocalypse de Saint-Victor. Ouverture du sixième sceau, Normandie, 1er quart du XIIIe siècle, Manuscrit peint sur parchemin, BnF, département des Manuscrits

Les salles suivantes nous font percevoir l’influence qu’a eue ce récit fondateur sur bon nombre d’artistes. Avec une vraie intelligence, le parcours met en perspective les oeuvres de Dürer, Francisco de Goya, William Blake et Odilon Redon, accompagnés par des poèmes de Victor Hugo ou Mallarmé, et des films de Fritz Lang ou Friedrich Murnau s’inspirant de ces symboles chrétiens.

Fritz Lang (1890-1976)Metropolis,1927 Photographie de plateau de Horst von Harbou. Cinémathèque française - Musée du Cinéma, Paris, France
Fritz Lang (1890-1976), Metropolis,1927, Photographie de plateau de Horst von Harbou. Cinémathèque française – Musée du Cinéma, Paris, France

L’ère d’une réinvention

En mêlant une planche de bande dessinée d’Edgar P. Jacobs, le cinéma de Marguerite Duras ou Chris Marker, et les oeuvres monumentales d’Otobong Nkanga ou d’Abdelkader Benchamma, l’exposition s’éloigne d’une vision post-apocalyptique pour explorer la thématique à l’aune des enjeux contemporains. À une époque des grandes catastrophes politiques, écologiques et sociales, ce panel de questionnements invite le spectateur à envisager la “fin” comme un moment décisif, celui d’un bouleversement remodelant l’ordre du monde, avec “un ciel nouveau et une terre nouvelle” (Apocalypse XXI, 1).

Vassily Kandinsky (1866-1944)Jüngster Tag [Le Jour du Jugement dernier] 1912 Peinture à l’eau et encre de Chine sous verre © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. GrandPalaisRmn / Jacques Faujour
Vassily Kandinsky (1866-1944),Jüngster Tag [Le Jour du Jugement dernier], 1912. Peinture à l’eau et encre de Chine sous verre – © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. GrandPalaisRmn / Jacques Faujour

Romane Fraysse

Apocalypse. Hier et demain
Bibliothèque nationale de France
Quai François Mauriac, 75706 Paris
Jusqu’au 8 juin 2025

À lire également : Voici 10 grandes expositions à découvrir dans les musées parisiens en 2025

Image à la une : Henri Rousseau (1844-1910), La Guerre, vers 1894. Huile sur toile, Musée d’Orsay, Paris, 2012. Tony Querrec / RMN-GP