Ce majestueux aqueduc en pierre inspiré du Pont du Gard alimente Marseille en eau depuis plus de 170 ans

Prendre le train pour profiter de paysages qui sortent de l’ordinaire peut parfois offrir de belles surprises. C’est le cas par exemple en empruntant la ligne du TGV Méditerranée où, juste avant d’arriver à la gare de l’Arbois, on aperçoit alors des arcades en pierre joliment incrustées au sein d’une nature florissante. Derrière cette sublime vision se cache surtout un édifice qui a changé la vie des Marseillais et d’une bonne partie des Provençaux. 

Un chantier aussi disproportionné que les dimensions du monument

Tout commence en 1834 lorsque la décision est prise de faire venir l’eau à Marseille, après deux années consécutives de sécheresse qui a vu la restriction d’eau à un litre par habitant et par jour. La rivière la plus proche étant la Durance, un projet de construction d’un canal est alors lancé. Un projet essentiel mais ô combien audacieux, à cause des nombreuses difficultés qui se dressent sur le passage de ce canal salvateur : la chaîne des Côtes, le plateau de l’Arbois ou encore le massif de l’Étoile. C’est dans cette optique que la ville choisit le projet de Jean François Mayor de Montricher, qui imagine un ouvrage néo-romain. Ce “grand pont” doit faire 350 mètres de long et 51 mètres de haut, pour un coût estimé à 500 000 francs. Sous la supervision de Montricher et de l’ingénieur William Fraisse, le chantier nécessite finalement 7 ans de travaux, 5000 ouvriers dont 300 travailleurs de la pierre qui œuvrent sur des blocs pouvant peser jusqu’à 15 tonnes. Le projet est si prenant qu’une voie de chemin de fer de 9 kilomètres est même créée pour acheminer ces blocs jusqu’à l’ouvrage. Finalement, celui-ci coûtera plus de 3,7 millions de francs et culminera à près de 83 mètres. De quoi susciter de nombreuses critiques, au point d’imaginer un pont en fer pour le remplacer. Autant de challenges qui expliquent pourquoi la première pierre de cet aqueduc ne sera posée… qu’en 1841. Grâce à l’ingénierie de l’époque, les obstacles naturels parviennent à être contournés et 18 ponts-aqueducs sont notamment édifiés afin d’enjamber une rivière ou un fleuve. 

Un bijou architectural à la mission vitale

De par la qualité de sa construction et à la beauté de sa finition, incarnée notamment par ses 65 arches et ses 15 arcades, l’aqueduc de Roquefavour est sans conteste l’édifice le plus remarquable de sa famille, en plus d’être le plus grand ouvrage en pierres de son type au monde. Terminé en mai 1847, le pont-aqueduc voit finalement de l’eau de la Durance la franchir pour la première fois le 30 juin. Devenu un édifice emblématique, au point de valoir à son concepteur de recevoir la légion d’honneur, il faudra toutefois attendre 2005 pour que ce géant de pierre soit classé aux monuments historiques. Une digne récompense pour un ouvrage qui va bien au-delà de l’esthétique. Pour rappel, le canal de Marseille trouve sa source dans les épidémies qui ont ravagé la cité phocéenne au XIXe siècle. En plus de l’aqueduc, un canal voit le jour pour acheminer l’eau de la Durance, du pont de Pertuis jusqu’au Palais Longchamp, permettant alors aux plus de 360 000 Marseillais d’avoir une eau potable en quantité suffisante. Par la suite, de nouveaux travaux de canalisations et de nouveaux bassins réservoirs permettront l’accès à l’eau pour l’ensemble du territoire de Marseille, incluant les communes d’Allauch, d’Aubagne et de Plan-de-Cuques.

 

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Un aqueduc qui vient de retrouver toute sa beauté

Malgré une histoire bien plus récente que le Pont du Gard, dont il s’inspire, l’Aqueduc de Roquefavour fait partie de ces monuments qui demandent une attention toute particulière. Notamment quand un certain Alphonse de Lamartine, ministre des affaires étrangères, le qualifie de merveille du monde. Après des travaux d’urgence entrepris en 2008 avec des opérations de purge des arches, un chantier d’envergure a débuté en 2020 pour préserver le bâtiment, endiguer la dégradation naturelle des pierres et protéger les tabliers des eaux de ruissellement. Après quatre ans de travaux colossaux symbolisés par l’immense échafaudage allant jusqu’à 1800 tonnes, soit le deuxième de France après celui de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, l’aqueduc a retrouvé toute sa splendeur il y a quelques mois grâce notamment à des pierres nettoyées en profondeur. Un monument qui n’a, décidément, de cesse de mettre à l’épreuve les ingénieurs et artisans. L’aqueduc étant situé dans une zone classée Natura 2000, les travaux ont été menés en présence d’une équipe d’écologues afin de protéger la faune, la flore et de préserver les habitats des animaux et des insectes, comme les chauves-souris qui gîtent dans l’ouvrage. De quoi offrir l’assurance de voir cet aqueduc briller dans le paysage des Bouches-du-Rhône et, surtout, transporter l’eau potable de Marseille pendant encore quelques décennies…

 

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Image à la une : Aqueduc de Roquefavour © Adobe Stock